La douleur chronique et les émotions: John Sarno et les TMS
John Sarno et la découverte du TMS
Les émotions jouent un rôle particulièrement important dans la douleur chronique ou les douleurs psychosomatiques. John Sarno, médecin américain décédé (1923-2017), est l’un des pionniers de l’approche corps-esprit (Mindbody). Au cours de sa carrière de médecin, il a aidé de nombreuses personnes à se libérer de leurs douleurs chroniques. C’est lui qui a créé le terme de TMS (Tension Myoneural/Muscular Syndrome) ou STM (Syndrome de Tension Myoneurale/Musculaire) pour décrire l’ensemble des symptômes, telles que les douleurs chroniques, qui résultent d’émotions inconscientes refoulées. Le Docteur Sarno ne considérait pas simplement que l’aspect émotionnel augmentait la douleur de ses patients, mais que les émotions refoulées étaient la cause même des douleurs chroniques.
Le rôle des émotions refoulées dans la douleur chronique
La douleur est un signal de danger qui permet de protéger l’intégrité physique. Si vous mettez votre main sur quelque chose de très chaud, la douleur créée par le cerveau vous permet de savoir qu’il faut enlever votre main pour ne pas vous blesser davantage et que la guérison prenne place. Mais parfois, le signal de danger “douleur” peut s'activer même en l'absence de dommages structurels ou de danger physique. Dans ce cas, le danger peut être émotionnel. Selon John Sarno, la douleur est en effet un mécanisme de diversion, de protection contre des émotions inconscientes qui sont considérées trop dangereuses par le cerveau. La douleur agit donc comme un mécanisme de défense psychologique. Pour éviter aux émotions inconscientes considérées dangereuses de faire surface dans la conscience d’une personne, le cerveau produit une douleur afin que cette personne porte toute son attention sur celle-ci. La douleur, souvent intense, pousse la personne concernée à chercher une cause physique, la douleur devenant souvent une obsession. Ainsi, la diversion est réussie, la douleur devient le centre d’attention de la personne concernée, et l’aspect psychologique et les émotions inconscientes difficiles sous-jacentes restent enfouies dans l’inconscient.
Ce postulat du Dr Sarno a fait suite à l’observation de ses patients atteints de douleurs chroniques, chez qui il existait généralement des épisodes de stress au moment du déclenchement de la douleur, ou des traumatismes émotionnels préalables.
Selon Sarno, ce sont donc les émotions négatives refoulées, et notamment la colère intense, qui sont à l’origine de la douleur. La pression et la rage (colère intense) proviennent selon lui des sources suivantes:
- de l’enfance (colère, douleur émotionnelle, tristesse)
- de la pression que l’on s’impose à soi-même, résultant souvent d’une personnalité déterminée, perfectionniste ou vertueuse,
- des pressions de la vie quotidienne
- de la culpabilité, la honte, la peur, l’insécurité et la vulnérabilité.
La méthode de John Sarno pour diminuer la douleur chronique et les douleurs psychosomatiques
Pour se libérer de la douleur, Sarno considère qu’il faut d’abord reconnaître le fondement psychologique de la douleur en comprenant et acceptant totalement que la douleur est un symptôme d’un conflit psychologique/émotionnel sous-jacent. La psychoéducation autour de la douleur est un point crucial pour la guérison, puisqu’elle permet de comprendre que le corps est en bonne santé, et que la douleur n’est que le résultat d’un processus psychologique. Ainsi, les personnes peuvent se libérer de la peur autour de la douleur, et reprendre une activité physique. Sarno suggère également un travail émotionnel de fond sur les sources de rage et de pression pouvant créer des douleurs. Pour cela, il propose un travail personnel d’introspection via du “journaling” quotidien, et il conseille pour les personnes pour qui ce travail n’est pas suffisant, de suivre une psychothérapie de type analytique, qui permettra un travail en profondeur. Dans son livre “le meilleur anti-douleur c’est votre cerveau” (disponible en français), John Sarno propose un programme à suivre chez soi pour diminuer ses douleurs.
John Sarno a donc ouvert la voie à de nombreux médecins, psychologues, scientifiques, qui ont par la suite étudié l’impact du cerveau et des émotions dans la douleur chronique. Les approches bio-psycho-sociales et les nouvelles thérapies de la douleur, comme la thérapie de retraitement de la douleur développée par le centre de psychologie de la douleur des Etats-Unis, sont en partie inspirées des travaux de John Sarno.
Les livres du Docteur Sarno sont une porte d’entrée intéressante pour comprendre le lien entre le cerveau et la douleur chronique, et débuter un travail personnel. Ses livres permettent généralement de passer une première étape importante, qui est de basculer vers un nouveau paradigme: ma douleur n’a pas d’origine physique. Ce changement de perspective est commun à de nombreuses thérapies psychologiques autour de la douleur chronique, et selon moi indispensable si l’on souffre de douleurs chroniques pour lesquelles aucune origine physique n’a été établie avec certitude..
Pour finir, je rappellerai que la douleur est un phénomène extrêmement complexe, qui diffère d’un individu à l’autre. Certaines personnes qui auront développé des douleurs chroniques pourront les diminuer efficacement à l’aide d’un travail sur la neuroplasticité du cerveau, par exemple en thérapie de retraitement de la douleur. Pour d’autres, ce travail devra être accompagné d’un travail émotionnel de fond, et certains pourront par exemple bénéficier d’une psychothérapie analytique afin de travailler en profondeur. Chacun doit trouver l’approche qui fonctionne pour lui et il est souvent judicieux d’être accompagné par un thérapeute spécialiste de la douleur chronique pour s’engager sereinement sur la voie de la guérison.
